Il s’appelle en réalité Kadiri Laaroussi mais beaucoup l’appellent Kadour, une vanne entre potes qui est restée… « Kadour de l’Adour ». Le club Azkar Full Contact qu’il crée en 2013 est issu de la fusion de deux territoires aux identités fortes, la ZUP de Bayonne et le Pays Basque. Il porte naturellement son nom en langue basque (Azkar signifie fort, en euskara) et son local de 120 m2, inauguré en septembre 2015, n’aurait pu se concevoir ailleurs qu’à la ZUP. C’est là, juste derrière le siège du COB, qu’il anime, bénévolement, ce véritable service public qu’est Azkar Full Contact.

Azkar Full Contact

Avant le covid, le nombre de licenciés oscillait entre 160 et 180, dont plus de 120 adultes ou ados qui venaient s’y entraîner entre le lundi et le vendredi soir. Les mercredi après-midi et samedi matin, les rings et sacs de frappe étaient par contre réservés aux 40 à 60 enfants, majoritairement issus du quartier. Azkar, c’est un projet sportif bien entendu mais également éducatif, social et culturel. Ça mélange et fusionne à tout va : débutants ou confirmés, hommes ou femmes, de toutes communautés ou origines, jeunes ou moins jeunes, gens de la ZUP, des autres quartiers nord tout comme du reste de Bayonne et du grand BAB. Ces derniers y découvrent la ZUP et toute l’énergie positive qu’on peut en retirer. Cela donne une ambiance vraiment marquante, où l’on rigole autant qu’on en a pour sa sueur… Bref, c’est intense !

La crise sanitaire a forcé à réduire provisoirement la voilure et ce sont actuellement 40 adultes et 60 enfants qui s’entraînent chaque semaine à Azkar Full Contact. « J’avais peur qu’il y ait une génération covid qui parte en live. Chez les ados, ça a un peu décroché pendant toute cette période compliquée mais pas tant que ça. Et chez les enfants pas du tout. Ils s’accrochent. »

Made in ZUP

Réussir l’alchimie propre à Azkar Full Contact nécessitait un parcours et des qualités bien précises. Champion de France semi et light contact, vainqueur de la coupe de France vétéran, Kadiri a également divers titres internationaux à son actif. Pourtant, il est surtout et avant tout « de là ». Il avait commencé à enseigner le Full contact au COB, à la demande de jeunes du quartier parce que lui même est né à la ZUP, au bâtiment 8, avenue de Mounédé. Il ira à l’école Jean Cavaillès et au collège Jean-Jacques Rousseau, avant de commencer à 15 ans un pré-apprentissage mécanique moto.  Vers 16 ou 17 ans, il démarrera comme maçon avec ses frères, ce qui restera par la suite son métier. Il connaît donc la ZUP depuis trop longtemps pour l’appeler cité Breuer. Et s’il habite désormais, depuis 7 ans maintenant, un autre des quartiers nord, Sainsontan, c’est la ZUP qui continue à l’imprégner.

Il a tellement vécu de choses là, qui lui permettent de mieux apprécier les diverses évolutions du quartier. Avec ses potes, ils en ont monté des projets, comme un club de BMX. Ils ont vécu des moments de fête ou de douleur. Comme suite au meurtre horrible de son père, maçon lui aussi, le 29 septembre 1995. Ce jour-là, rue Maubec, un militaire du 1er RPIMA de Bayonne a massacré gratuitement Driss Laaroussi, dans une scène de violence extrême et de haine raciste. Révolte et indignation ont embrasé le quartier, affrontements avec la police, voitures brûlées, attaque d’un bar fréquenté par les militaires…

Kadiri aime toujours autant la ZUP « un joli quartier vivant » et trouve qu’elle a rajeuni « C’est la première fois que j’ai autant d’enfants aux cours ». Il ressent par contre une montée de l’individualisme, plus de clans, moins de mélange entre les gens. Quand il était jeune, il y avait toujours du monde dehors, et de l’animation collective : parties spontanées de foot ou de basket etc. Aujourd’hui, les gens s’enferment peut-être un peu trop dans leur appartement et y regardent un peu trop BFM TV. Ceci explique sûrement le ressenti de l’augmentation des « incivilités » entre voisins. Pourtant, pour le coach du club de Full Contact, il n’y a pas plus de violence qu’avant (« au contraire ! »).

Aller vers les gens

Kadiri connaît bien Alda, depuis la naissance de l’association, et regarde son travail avec bienveillance. « Il y a pas mal d’infos dans le journal sur les quartiers et leurs problématiques. Il faut aussi montrer les solutions et les gens des quartiers qui font des choses positives. ». Et de conclure « Les gens ont souvent du mal à parler de leurs problèmes, par pudeur, par honte, et ne le font trop souvent qu’au dernier moment, quand c’est presque trop tard. Le fait qu’Alda existe, soit présent, visible, aille vers les gens, ça aura cette utilité-là, d’agir quand il existe encore des solutions possibles. »