Entrée en vigueur le 1er mars 2023 dans les 24 communes de la zone tendue du Pays Basque nord, la mesure de compensation (*) fête aujourd’hui ses 1 an. Alda, qui s’est battue avec détermination pour que ce règlement soit adopté, constate depuis l’arrêt net de l’hémorragie des logements habités à l’année transformés en Airbnb permanents. L’association de défense des locataires dresse un premier bilan positif et encourageant. 

Lanceurs d’alerte

C’est en juin 2021 qu’Alda révèle pour la première fois au grand public l’importance de l’hémorragie causée par les plateformes de type Airbnb, sur le parc locatif privé du Pays Basque nord. Près de 10 000 logements entiers sont alors utilisés comme meublés de tourisme permanent, soit autant de logements perdus pour la population locale.

Cette même année, Alda se mobilise avec détermination au moyen d’actions, d’occupations d’Airbnbs illégaux, d’études chiffrées, de notes techniques et juridiques pour que le règlement de compensation soit voté par la CAPB. Un règlement qui, selon l’association, permettrait de mettre un terme à cette spirale infernale qui transforme nos logements en pied-à-terre pour touristes de passage. Ce sera chose faite le 5 mars 2022 : ce jour-là, les élus de la CAPB adoptent à la quasi-unanimité la mesure de compensation. Il faudra ensuite attendre le 1er mars 2023 pour qu’elle entre en vigueur.

Une mesure efficace

Aujourd’hui, le constat est sans équivoque. La compensation a stoppé net le tsunami des investisseurs financiers qui venaient acheter des appartements, voire des immeubles entiers, pour les transformer en Airbnb permanents. 

Les chiffres officiels parlent d’eux-même. Le nombre de demandes d’autorisation de changement d’usage -c’est-à-dire l’autorisation de transformer un logement en meublé de tourisme- a nettement chuté depuis le 1er mars 2023, alors qu’elles se succédaient par milliers les années précédentes. En effet, plus de 9600 autorisations de changement d’usage ont été accordées entre le 1er janvier 2020 et le 28 février 2023 (2453 en 2020, 2299 en 2021, 4665 en 2022 et plus de 250 en janvier et février 2023), contre seulement 369 depuis le 1er mars 2023. Parmi celles-ci, à peine 2 autorisations permanentes (avec compensation), plus de 250 en location mixte (autorisations valables 1 an avec location à un étudiant pendant 9 mois et en meublé de tourisme pendant les 3 mois de la saison estivale), le reste étant les meublés de tourisme rattachés à la résidence principale du propriétaire (autorisations temporaires valables 2 ans). Et cela alors qu’Alda avait estimé à 16 000 le nombre de logements que nous risquions de perdre dans les années à venir, si aucune mesure n’était prise.

Ce simple fait, essentiel, valide à lui seul le bien fondé de la mesure de compensation. En votant ce règlement, les élus de la CAPB ont évité l’aggravation de la crise du logement qui touche aujourd’hui les habitants du Pays Basque nord. Mais cela ne s’arrête pas là. Au cours des années à venir, un autre résultat positif viendra renforcer sa pertinence.

Des effets positifs sur le long terme

La majorité des propriétaires de meublés de tourisme sont des personnes physiques qui disposaient d’une autorisation temporaire de changement d’usage obtenue avant l’entrée en vigueur de la compensation le 1er mars 2023 et valable 3 ans. Cette autorisation prenant fin d’ici 2025, des milliers de logements pourront alors être récupérés pour l’habitation à l’année, le logement d’étudiants ou la vente en résidence principale.

À l’inverse, une minorité d’entre eux sont des personnes morales (SCI, SARL) qui n’avaient pas ces autorisations provisoires. La compensation leur est donc applicable depuis le 1er mars 2023. Sans pouvoir disposer de statistiques officielles, Alda constate sur le terrain et à travers son travail quotidien, que de nombreuses personnes ont depuis février-mars 2023 trouvé à se loger à l’année dans un appartement jusque-là loué en Airbnb. Il s’agit donc des premiers meublés de tourisme permanents, propriétés de SCI ou de SARL, qui sont redevenus des locations à l’année. Mais ce phénomène est encore limité du fait d’une fraude massive…

Combattre la fraude

Alda estime qu’il y avait autour de 2000 meublés de tourisme illégaux en 2023. Soit plus d’une année entière de production de logements dans le  parc privé ! On comprend dès lors l’importance de poursuivre et faire condamner cette fraude. Les propriétaires risquent pour chaque logement ne respectant pas la compensation, une amende de 50 000 euros et l’obligation de le remettre en location à l’année. L’année 2024 devrait voir les premières poursuites engagées, avec probablement un fort effet de dissuasion. 

De son côté, l’association poursuit son travail d’investigation à l’aide d’une cellule spécifique composée d’une vingtaine de militants. Ceux qui continuent de frauder en toute impunité en 2024 n’ont qu’à bien se tenir !

Et tout ça n’est qu’un début !

Cette bataille menée par Alda et les élus de la CAPB pour protéger nos logements de leur vampirisation par Airbnb et compagnie a fait avancer dans les esprits la nécessité de réguler et encadrer fortement le marché. Un sondage IFOP, réalisé en 2023 -pour le compte du quotidien Sud-Ouest- sur la question du logement en Pays Basque, a montré une claire tendance en faveur de l’encadrement des prix de vente par les pouvoirs publics (55%), de l’encadrement renforcé des loyers (63%) et de la compensation (71%).

Depuis, le gouvernement a validé la candidature de la CAPB au dispositif d’encadrement renforcé des loyers. Ce dispositif protégera l’ensemble des locataires des 24 communes de la zone tendue du Pays Basque de l’explosion actuelle et sans limite des prix. On peut également espérer que la perspective de cette mesure, s’ajoutant à celle de la compensation, aura un effet de refroidissement sur les prix du marché et stoppera certaines pratiques spéculatives.

Un an après la mise en œuvre de la compensation, le Pays Basque a donc de nombreuses raisons de se réjouir… et de continuer à se mobiliser plus que jamais !


(*) La mesure de compensation oblige à produire, à partir de locaux non destinés à l’habitation, un nouveau logement de surface équivalente et dans la même commune pour tout logement transformé en meublé de tourisme. Cela rend très difficile voire impossible ces transformations et protège définitivement le parc locatif à l’année.