C’est en juillet 2021 que Johanna a contacté Alda pour la première fois. Comme de nombreuses personnes au Pays Basque, elle et ses enfants ont été victimes d’un congé locatif. Quatre ans après, c’est la fin d’un parcours judiciaire qui lui a donné raison : son propriétaire a été condamné pour “congé pour reprise factice”, elle a pu reconstruire sa vie et trouvé une communauté de soutien. Son périple retrace les conséquences psychologiques, sociales et familiales du drame que peuvent représenter ces congés.
Saint-Jean-de-Luz puis l’exil
Johanna naît en 1973, à Saint-Jean-de-Luz. Et elle n’en est pas peu fière. Ses grands-parents tiennent le club des Pingouins sur la plage de Guéthary où son père, professeur de sport et maître-nageur, l’initie à la natation. “J’ai su nager avant de marcher. J’ai grandi à Saint-Jean-de-Luz, près de l’eau. Ça ne vous quitte plus, après.” Pourtant, la famille déménage à Hasparren, où elle suit sa scolarité au collège Ursuya, avant de s’engager dans un bac pro. Fonceuse, elle aime découvrir les choses, ne rate aucune patrouille de France car elle rêve d’être pilote depuis son enfance. Mais comme souvent, les rêves bifurquent au gré des rencontres : elle, c’est pour un militaire qu’elle plaque tout et va s’installer à Limoges. “Mais où est l’eau ?” Un petit exil. Quand son fils, l’aîné de ses 3 enfants, est diagnostiqué autiste, Johanna interrompt son activité professionnelle et se bat pour lui permettre de poursuivre une scolarité et trouver sa voie.
Une vie, 17 déménagements
La famille déménage beaucoup, alors en 2012, quand les parents de Johanna lui donnent un petit bout de terrain à côté de leur maison, à Hasparren, elle y voit l’occasion dont elle rêvait : retourner, enfin, s’installer au Pays Basque. Mais la tranquillité est de courte durée. En 2015, Johanna doit se faire opérer de la tumeur qui grossit dans son dos depuis 2012. Quelques mois après, c’est chez sa cadette de 6 ans et demi qu’une tumeur est détectée. Les problèmes s’enchaînent. En 2019, elle obtient le divorce, mais doit vendre la maison. En invalidité suite à son opération, elle se heurte à la réalité du marché du logement : elle ne trouve absolument rien, malgré des garants. Jusqu’à cette annonce, quasi providentielle : un appartement à Urrugne, avec 3 chambres. Urrugne, tout près de Saint-Jean-de-Luz : la promesse d’un retour aux sources et d’un renouveau.
Congé pour reprise
Quand elle parle du jour où elle a reçu la lettre de congé, cette battante à la force inébranlable et au caractère trempé a encore les larmes aux yeux. Deux ans à peine après leur installation, le propriétaire lui annonce par courrier son intention de reprendre l’appartement. C’est un congé pour reprise : un congé locatif par lequel un propriétaire peut mettre fin au bail de son locataire lorsqu’il arrive à échéance (il est, sinon, renouvelé tacitement). “J’avais toujours payé mon loyer. Après tous les drames vécus, on avait juste besoin de se poser. C’était tellement injuste de nous faire ça, alors qu’il n’a jamais repris l’appartement.” Johanna n’a pas d’autre choix : elle quitte le logement. Son fils est relogé, mais Johanna doit retourner s’installer avec ses filles à Hasparren, chez sa mère. Le calvaire durera un an. Chaque jour, elle fait le trajet aller-retour jusqu’au lycée de sa cadette, à Saint-Jean-de-Luz. Ses filles dorment dans la maison mais, faute de place et malgré ses problèmes de santé, Johanna s’installe dans le cabanon du jardin de sa mère. Grignoté par l’humidité, les escargots s’introduisent à l’intérieur, il n’y a pas de toilettes : sollicité par Alda pour venir constater la situation, Soliha a qualifié le cabanon d’insalubre. “Ces conditions de vie, ça a été la goutte de trop. Ça m’a achevée, psychologiquement et physiquement.”
Bataille pour ses droits
Johanna contacte Alda dès qu’elle reçoit la lettre de congé. Demandeuse de logement social depuis 2018, elle multiplie les démarches auprès d’organismes et d’élus. Alda, de son côté, investigue et découvre que des locataires ont repris en mai 2022 le logement, laissé par Johanna en novembre 2021. Pour qu’un congé pour reprise soit légal, un propriétaire doit reprendre l’appartement pour lui ou bien son conjoint, ses ascendants, enfants ou enfants de son conjoint. Personne d’autre. Le propriétaire de Johanna a donc menti. Au passage, il a également augmenté le loyer, ce qui est illégal en zone d’encadrement des loyers à la relocation comme à Urrugne.
En octobre 2022, grâce à une procédure DALO (droit au logement opposable), Johanna obtient un logement social. Mais, déterminée à ce que justice soit rendue et que son exemple puisse empêcher que d’autres vivent ce qu’elle a traversé, elle assigne son propriétaire en justice.
Le bout du tunnel
En juillet 2024, le propriétaire de Johanna a été reconnu coupable par le Tribunal de Bayonne et condamné à payer 5000 € de préjudice moral à Johanna Camy et 1000 € à chacun de ses enfants. Une somme qui ne vaut pas le préjudice subi, mais le juge tient compte des revenus de la personne condamnée. Johanna voit ce que cette condamnation apporte : “C’est symboliquement que c’est important. L’enjeu, surtout, c’est que ce genre de situations ne puisse pas recommencer. Que tous les propriétaires qui voudraient abuser reçoivent le signal qu’ils peuvent se faire condamner”. La vie s’est réorganisée. Johanna s’est installée dans un quartier qu’elle aime, à Biarritz. Elle a repris le travail comme aide à domicile. Quand elle peut, elle donne des coups de main à Alda. Elle a distribué le dernier journal. “L’association a été ma béquille pendant toutes ces années.” Elle est heureuse de pouvoir se dire : “Il a été puni. Ce n’est pas rien, d’être condamné. Moi, je peux enfin me poser.” Car c’est ça, un logement : l’endroit où on peut, enfin, souffler.
Interview minute :
- Un film : Top Gun
- Une chanson : Mes emmerdes, de Charles Aznavour
- Un avion : Le rafale
- Un coin du Pays Basque : En hauteur face à la plage d’Erretegia à Bidart
- Un plat : La paella
- Un livre : Tout commence par soi de Tatiana Silva
Heureuse pour vous et vos enfants Johanna. Mon fils a malheureusement vécu le même scénario et a dû donc partir de son logement. Dommage pour lui car il n’a pas garder la lettre de sa propriétaire qui met fin au bail. Aujourd’hui il est loué en Airbnb à Bassussary . Je suis adhérente à Alda pour justement mettre en garde toutes les personnes qui subissent ce genre de procédure. Longue et belle vie à vous et Alda!!!!